Le territoire dont on parle ici était autrefois foulé par les Abénaquis, peuple voyageur qui utilisait les voies d’eau pour ses déplacements entre le fleuve Saint-Laurent et la région où se trouve maintenant Portland, Boston et New York. Les rivières Saint-François et Magog comme, plus près de nous, la rivière au Saumon, ont été utilisées par les autochtones vers 1680 jusque dans les années 1825. Cette région que l’on appelle aujourd’hui Canton de l’Est, était couverte de grandes forêts vierge et contenait encore une quantité importante d’animaux et d’oiseaux sauvages: orignaux, cerfs, ours, loups, renards, lièvres, loutres, castors, visons, perdrix, etc. De plus, les plus belles espèces de poissons comme le saumon et la truite abondaient dans les nombreux lacs et cours d’eau.
Les autochtones vivaient de chasse et de pêche jusqu’à l’arrivée des colons qui s’est faite massivement entre 1825 et 1855. À cette époque, les colons d’origine américaine (les Loyalistes reconnus comme les premiers colonisateurs des Cantons de l’Est), britannique, irlandaise, hollandaise, écossaise et canadienne utilisaient les mêmes voies de pénétration que les indigènes au début, soit les voies d’eau (principal moyen de transport) et s’établissaient de préférence près des cours d’eau. Ils durent faire face aux rapides et nombreuses chutes dans la région. Ces obstacles naturels, qui étaient des contraintes aux déplacements au début, se transformèrent rapidement en avantages en raison du potentiel hydraulique qu’ils offraient. De plus, en raison des secteurs marécageux abondants dans les Cantons de l’Est, les colons ayant des concessions à l’intérieur des terres, durent parer à ce problème en fabriquant des sentiers en billes de bois (rondins) qu’on appela « Corduroy Road« .
La première route importante reliant Québec à Richmond appelée le « Chemin Craig » fut complétée en 1838. Ensuite, la construction des différents services de chemin de fer dans la région, vers la fin du XIXe siècle, a marqué le début d’une aire d’activités économiques. Le barrage actuel, sur la rivière au Saumon, fut érigé vers les années 1890 afin de profiter du pouvoir d’eau pour des usages industriels (moulin à scie et moulin à farine).
La ligne de chemin de fer appartenant à la compagnie « Orford Mountain Railway » fut complétée en 1892. Elle longeait la rivière au Saumon et reliait Eastman et Kingsbury pour atteindre Richmond. La mise en service de cette ligne a grandement favorisé le développement économique de Kingsbury dont le potentiel industriel était basé sur l’exploitation de l’ardoise et la transformation des produits du bois. Ces deux industries constituaient les principaux moteurs de l’économie de Kingsbury qui était alors une municipalité prospère et qui porta le nom officiel de Municipalité du village de Kingsbury à partir de 1896.
De 1920 à 1940, certains tronçons de la ligne de chemin de fer ont été graduellement abandonnés en raison de la concurrence exercée par l’automobile et les camions. Cette période correspond également avec la fermeture de la mine d’ardoise « New-Rockland » (1924) et de la scierie « Williamson and Crombie » de Kingsbury (1928), lesquelles étaient respectivement en opération depuis 1868 et 1840.
La Cie « Williamson and Crombie » possédait, en plus de l’usine et des terrains du village de Kingsbury, 20 000 acres de terre dans les cantons d’Orford, Melbourne, Gore et de Brompton, incluant les terres entourant le lac Brompton et deux barrages qui fournissaient le pouvoir d’eau à ses moulins.
En 1946-47, deux hommes d’affaires de la région de Valcourt, Georges et Joseph-Armand Bombardier, s’intéressèrent au village de Kingsbury. Ils achetèrent l’ancienne scierie « Williamson and Crombie » et la mirent en opération pendant l’été jusque vers 1958. Joseph-Armand Bombardier acheta également une grande partie des terrains du village ainsi que 5 000 à 6 000 acres de terres à bois avec des droits d’eau de huit lacs des alentours, dont le lac Brompton et le barrage de Kingsbury. Il évalua les possibilités d’y construire une centrale hydro-électrique et envisagea de réouvrir la mine d’ardoise » New-Rockland« .
J.A. Bombardier fit aussi construire un petit centre expérimental à deux pas du barrage, sur le site de l’ancien moulin à scie où avait été fabriquées des boîtes à beurre pour les fermiers de la province. À l’étage supérieur, il fit construire un appartement afin de pouvoir s’y établir avec sa famille durant la période estivale. C’est ainsi que Kingsbury devint le centre de production de toutes les pièces de caoutchouc nécessaires à la construction de l’auto-neige Bombardier. Cette nouvelle entreprise fut incorporée par M. Bombardier sous le nom de « Rockland Accessories« .
En 1972, l’entreprise « Rockland Accessories » fut vendue à M. Normand Carpentier. Celui-ci acheta trois autres divisions de la Cie Bombardier et l’ensemble fut incorporé sous le nom de « Camoplast inc. »
En 1992, la Municipalité du village de Kingsbury acheta le bâtiment à la Cie « Camoplast inc.« , incluant le barrage et 50 acres de terre à proximité de l’usine. Depuis ce temps, le Comité de Promotion Industriel de Kingsbury (C.P.I.K.), s’occupe de l’entretien et de la gestion de ces bâtiments.
Aujourd’hui, le village se distingue tout particulièrement par son marais sur la Rivière au Saumon où se concentrent une faune variée et une flore luxuriante. On peut observer cette belle nature en parcourant des sentiers de randonnée pédestre qui font partie du réseau Les Sentiers de l’Estrie.
BIBLIOGRAPHIE
BASTIEN J. 1995. « Projet de valorisation du marais de Kingsbury » . Le Comité du marais de Kingsbury (MAKI).
BASTIEN J. 1997. « Projet d’acquisition et de mise en valeur du marais de Kingsbury » . Le Comité du marais de Kingsbury (MAKI).